Marcelle

Marcelle était une super froussarde.

Ses parents l’avaient emmenée consulter médecins, spécialistes et sorciers vaudou, rien n’y faisait : nerveuse comme un écureuil, la petite fille tremblait à la moindre mouche qui effleurait sa joue. Fallait-il qu’un chien étourdi traverse la rue devant elle ? Marcelle bondissait et détalait en hurlant. Devait-elle monter sur un petit escabeau pour cueillir quelques cerises ? Un vertige la prenait et elle s’évanouissait. Et que dire des orages ? Marcelle restait pétrifiée tout au fond de son lit la nuit durant.
Son père, militaire de carrière, désespérait de voir son seul descendant incapable de la moindre affaire sérieuse. Il finit par baisser les bras, et mourut.

Ainsi, la pauvre Marcelle passait ses journées à ne rien faire, cloitrée dans sa chambre en compagnie de son ours en peluche.

Un jour, alors qu’elle s’était aventurée jusqu’au grenier de la maison (cette expédition lui avait pris tout l’après-midi), elle découvrit au fond d’une malle poussiéreuse (les malles sont toujours poussiéreuses, sachez-le) un petit masque de carnaval. Un petit masque noir, très simple, légèrement abîmé et flétri par les années passées. Marcelle le saisit entre ses mains fiévreuses, et sans un mot, poussée par je ne sais quelle volonté, elle l’enfila.

Quelle sensation ! La pièce autour d’elle lui parut tout à coup complètement différente. Enveloppée dans ce cocon de velours, tout lui semblait dès lors incroyablement doux et inoffensif. L’ogre caché derrière la porte était à présent aimable et lui souriait de toutes ses dents ; quant aux escaliers vertigineux conduisant à sa petite chambre, ils n’avaient plus cette inclination bizarre et paraissaient au contraire l’appeler comme un toboggan.

Le masque avait dévoré sa peur.

Marcelle se précipita dans sa chambre et regarda sous son lit : plus de monstre ! Transportée, elle attrapa la part de tarte aux myrtilles laissée sur sa table de nuit : elle était délicieuse. Plus de maux de ventres ni d’affreuses nausées ; elle parvenait même à en savourer les notes les plus acides.

Marcelle inspira une grande bouffée d’air et se contempla dans le miroir : un sourire radieux recouvrait son visage. Elle était devenue une super héroïne.

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